Bankroll Management 2025 : Le Guide Anti-Busto pour Tous les Formats
Vous connaissez cette sensation. Ce moment où vous regardez votre solde et réalisez que les 500€ que vous aviez mis de côté pour jouer au poker ont mystérieusement disparu. Pas à cause d'un bad beat épique ou d'un cooler cosmique. Non. Simplement parce que vous avez joué le NL100 avec une bankroll de NL10.
Bienvenue dans le monde merveilleux du bankroll management, le sujet le plus ennuyeux et pourtant le plus crucial du poker.
La Règle d'Or : Pourquoi le Bankroll Management Vous Sauve la Vie
Commençons par une vérité mathématique que personne ne veut entendre : même le meilleur joueur du monde peut perdre pendant des mois. La variance n'est pas une excuse de perdant, c'est une réalité statistique implacable.
Un joueur gagnant à 5bb/100 (ce qui est excellent) va connaître des downswings de 20 buy-ins plusieurs fois dans sa carrière. Un joueur à 2bb/100 (toujours gagnant) peut facilement subir des séquences perdantes de 50 buy-ins. Et ces chiffres supposent que vous jouez parfaitement, ce qui n'est jamais le cas.
Le Calcul du Risque de Ruine
Le risque de ruine, c'est la probabilité statistique de perdre toute votre bankroll avant de récupérer. Voici ce que disent les mathématiques :
- 10 buy-ins : Risque de ruine de 35-40% (même pour un gagnant)
- 20 buy-ins : Risque de ruine de 10-15%
- 30 buy-ins : Risque de ruine de 3-5%
- 50 buy-ins : Risque de ruine inférieur à 1%
Traduction : si vous jouez le NL100 avec 1 000€, vous avez une chance sur trois de tout perdre, même si vous êtes objectivement un bon joueur. Ces chiffres ne mentent pas, et le poker non plus.
Cash Game : Les Règles par Limite
Le cash game est le format le plus simple à gérer en termes de bankroll. Pas de structure ICM compliquée, pas de bubble factor. Juste vous, votre stack, et la variance pure.
Limites Basses (NL2 à NL25)
Recommandation : 20-25 buy-ins minimum
Pourquoi aussi "peu" ? Parce qu'à ces limites, votre edge est potentiellement énorme. Les joueurs sont mauvais, les spots sont évidents, et même avec une gestion approximative, vous devriez survivre.
Mais surtout, perdre votre bankroll à ces limites n'est pas dramatique financièrement. Vous pouvez recharger 50€ et repartir. L'objectif est d'apprendre, pas de protéger un capital conséquent.
Limites Moyennes (NL50 à NL200)
Recommandation : 30-40 buy-ins
Ici, les choses deviennent sérieuses. Les réguliers commencent à savoir jouer, les edges diminuent, et la variance frappe plus fort relativement parlant.
À NL100, 30 buy-ins = 3 000€. Ce n'est plus de l'argent de poche. Un downswing de 15 buy-ins vous coûtera 1 500€, et croyez-moi, ça fait mal.
Limites Hautes (NL500+)
Recommandation : 50-100 buy-ins
Au-delà du NL500, vous jouez contre des professionnels ou semi-professionnels. Votre edge est minimal, la variance maximale. Sans une bankroll massive, vous êtes un agneau parmi les loups.
À NL1000, 50 buy-ins = 50 000€. Bienvenue dans le poker semi-professionnel.
MTT : L'Enfer de la Variance
Les tournois multi-tables sont le format le plus cruel en termes de variance. Vous pouvez être le meilleur joueur du field et ne rien cash pendant 100 tournois. C'est mathématiquement normal.
Pourquoi les MTT Sont-ils si Violents ?
Quelques chiffres pour vous faire comprendre l'ampleur du problème :
- ROI moyen d'un bon joueur : 20-30%
- Taux de cash moyen : 15-18%
- Top 3 moyen : 1-2%
Traduction : vous allez perdre plus de 80% de vos tournois, même si vous êtes excellent. Et quand vous cashez, ce sera souvent pour un min-cash qui ne couvre même pas vos pertes précédentes.
Bankroll Recommandée MTT
Pour les joueurs récréatifs : 50-100 buy-ins
Avec un buy-in moyen de 10€ et 100 buy-ins, vous avez 1 000€ dédiés aux MTT. C'est le strict minimum pour espérer survivre à la variance.
Pour les joueurs sérieux : 150-200 buy-ins
Un joueur qui grind les MTT régulièrement doit pouvoir encaisser des séquences de 50+ tournois sans cash. Avec 150 buy-ins, vous pouvez perdre 50 tournois d'affilée et garder encore 100 buy-ins de marge.
Pour les professionnels : 300+ buy-ins
Les pros qui jouent le circuit live ou les gros MTT en ligne ont besoin de bankrolls monumentales. Un downswing de 200 buy-ins n'est pas rare à haut niveau.
La Règle du 2%
Une règle simple pour les MTT : ne jamais investir plus de 2% de votre bankroll dans un seul tournoi.
Bankroll 1 000€ = Buy-in max 20€
Bankroll 5 000€ = Buy-in max 100€
Bankroll 20 000€ = Buy-in max 400€
Cette règle vous force à rester dans votre limite et évite les "shots" catastrophiques.
Sit & Go : Le Juste Milieu
Les Sit & Go représentent un compromis intéressant entre cash game et MTT. La variance est plus faible qu'en tournoi grâce aux structures plus courtes et aux fields réduits.
SNG Standard (6-9 joueurs)
Recommandation : 40-50 buy-ins
La variance en SNG est gérable. Un bon joueur avec un ROI de 5-10% va connaître des downswings de 20-30 buy-ins, mais rarement plus.
Hyper-Turbo SNG
Recommandation : 80-100 buy-ins
Les hyper-turbos sont des loteries améliorées. Votre edge est minimal (souvent 2-4%), et la variance explose. Sans une bankroll massive, vous êtes condamné.
Spin & Go / Expresso
Recommandation : 100-150 buy-ins minimum
Les formats jackpot sont les plus violents du poker. La structure est conçue pour maximiser la variance et minimiser le skill. Même les meilleurs joueurs du monde ont des ROI de 2-3%.
Ajoutez à cela la variance du multiplicateur (vous pouvez enchaîner 200 parties sans voir un x5), et vous comprenez pourquoi ces formats nécessitent des bankrolls astronomiques.
Les Erreurs Fatales du Bankroll Management
Erreur 1 : Prendre des "Shots" Réguliers
"J'ai bien joué cette semaine, je vais tenter le NL200 pour voir."
Cette phrase a détruit plus de bankrolls que tous les bad beats réunis. Les shots doivent être exceptionnels et calculés, pas impulsifs.
La règle du shot : Ne jamais prendre un shot si vous n'avez pas au moins 3-5 buy-ins de la limite supérieure, et redescendez immédiatement si vous perdez 2 buy-ins.
Erreur 2 : Ignorer le "Stop-Loss" Journalier
Vous perdez 3 buy-ins. Votre cerveau vous dit "je vais me refaire". Vous perdez 3 buy-ins de plus. Puis 3 de plus.
À la fin de la session, vous avez perdu 15 buy-ins, soit des semaines de travail parties en fumée.
La solution : Stop-loss de 3 buy-ins maximum par session. Quand vous l'atteignez, fermez les tables. Pas de négociation.
Erreur 3 : Mélanger Bankroll Poker et Compte Courant
Votre bankroll de 2 000€ est sur le même compte que vos économies ? Danger. Quand vous perdrez, vous serez tenté de "remettre" de l'argent. Quand vous gagnerez, vous serez tenté de "sortir" de l'argent.
La solution : Compte séparé dédié au poker. Vous rechargez une fois, et c'est tout. Ce que vous gagnez reste, ce que vous perdez disparaît.
Erreur 4 : Ne Pas Compter les Frais
Votre bankroll de NL10 est calculée en buy-ins de 10€ ? Erreur. Avec un rake de 5%, chaque session vous coûte en moyenne 0.5 buy-in en rake.
Ajoutez les rebuys en tournois, les add-ons, les frais de retrait... Votre bankroll effective est souvent 10-20% plus basse que vous ne le pensez.
Erreur 5 : Le Tilt-Induced Stake Jump
Vous venez de perdre un énorme pot au NL25. Votre cerveau, en mode survie, vous suggère de "récupérer vite" au NL100.
C'est le début de la fin. Le tilt combiné à une limite inadaptée = busto garanti.
La solution : Quand vous êtes en tilt, descendez d'une limite. Oui, descendez. Pas montez.
Le Plan de Montée de Limites
Monter de limite est un art délicat. Voici un plan structuré :
Phase 1 : Consolidation
Restez à votre limite actuelle jusqu'à avoir 30+ buy-ins de la limite supérieure.
Exemple : Pour monter du NL10 au NL25, attendez d'avoir 750€ (30 x 25€).
Phase 2 : Test
Jouez 10 000 mains à la nouvelle limite. Si vous êtes gagnant ou break-even, continuez. Si vous perdez plus de 10 buy-ins, redescendez.
Phase 3 : Établissement
Maintenez 25+ buy-ins de votre nouvelle limite pendant 20 000 mains minimum avant de penser à la limite suivante.
Phase 4 : Sécurisation
Ne redescendez jamais en dessous de 20 buy-ins. Si ça arrive, retournez à la limite inférieure immédiatement.
Cas Particulier : Le Joueur Récréatif
Si vous jouez pour le fun et ne cherchez pas à monter de limites, votre approche peut être différente.
Budget mensuel fixe : Décidez d'un montant mensuel (ex: 100€/mois) que vous pouvez perdre sans impact sur votre vie. Ce n'est pas une bankroll, c'est un budget loisir.
Pas de stress de variance : Si vous perdez tout, vous attendez le mois suivant. Pas de recharge impulsive.
Objectif plaisir : Jouez les formats qui vous amusent, pas ceux qui maximisent votre edge.
Cette approche ne vous rendra pas gagnant, mais elle vous permettra de profiter du poker sans le stress financier.
Le Mot de la Fin : Discipline > Skill
Voici la vérité que personne ne veut entendre : un joueur moyen avec une excellente gestion de bankroll battra un très bon joueur avec une mauvaise gestion.
Le poker est un marathon, pas un sprint. Les meilleurs joueurs du monde ne sont pas ceux qui font les moves les plus spectaculaires, mais ceux qui sont encore là après 10 ans.
Le bankroll management n'est pas sexy. Ce n'est pas ce qui fait les highlights sur YouTube ou les stories Instagram. Mais c'est ce qui sépare les joueurs qui survivent de ceux qui disparaissent.
Alors oui, jouez le NL10 avec vos 500€ de bankroll. Non, ne prenez pas ce shot au NL100 "juste pour voir". Et surtout, rappelez-vous : votre bankroll est votre outil de travail. Sans elle, vous n'êtes plus un joueur de poker.
Vous êtes juste un spectateur qui se souvient du bon vieux temps où il avait de l'argent pour jouer.