Les 10 Erreurs de Débutant que Même les Réguliers Commettent Encore
Vous jouez depuis cinq ans. Vous avez lu tous les livres, regardé toutes les vidéos de coaching, et vous pouvez réciter les ranges d'open par position dans votre sommeil. Pourtant, quelque part dans votre jeu, se cachent des erreurs de débutant que vous commettez encore. Des erreurs que vous seriez horrifié de voir si quelqu'un vous les montrait en review.
La bonne nouvelle ? Vous n'êtes pas seul. Ces leaks sont si répandus qu'ils affectent même des joueurs de NL500 et au-delà. La mauvaise nouvelle ? Tant que vous ne les identifiez pas, ils saignent silencieusement votre winrate.
Voici les dix erreurs les plus courantes, et comment les corriger.
Erreur N°1 : L'Overplay Systématique des Overpairs
Vous avez AA. Le board affiche 7-8-9 avec deux coeurs. Votre adversaire check-raise votre c-bet, vous 3-bet, il 4-bet all-in. Vous appelez en soupirant "je sais que je suis battu mais je ne peux pas folder les As".
Si. Vous pouvez. Et vous devriez.
Le Problème
Les overpairs sont des mains fortes, mais elles ne sont pas des mains-poubelle de valeur absolue. Sur certaines textures de board, une overpair n'est rien d'autre qu'un bluff-catcher glorifié.
Le board 7-8-9 avec deux coeurs connecte massivement avec les ranges de call préflop : 67s, 89s, T9s, 77, 88, 99, JT pour la quinte. Quand votre adversaire montre de l'agressivité massive, il représente ces mains, pas une paire de 6.
La Solution
Évaluez vos overpairs en fonction de :
- La texture du board : Plus le board est connecté et coordonné, moins votre overpair vaut
- L'action : Un check-raise sur un board mouillé est rarement un bluff aux limites basses
- Le profil adversaire : Les récréatifs ne bluffent presque jamais en check-raise
Apprenez à transformer vos As en bluff-catchers et à les jouer comme tels : check-back sur certains turns, call-down prudent plutôt qu'escalade systématique.
Erreur N°2 : La Défense de Blindes Trop Wide

"Je suis déjà engagé dans le pot, autant défendre."
Cette phrase a coûté plus d'argent aux joueurs de poker que tous les bad beats réunis.
Le Problème
Oui, vous avez de meilleures cotes pour call depuis les blindes. Mais ces cotes ne compensent pas deux handicaps majeurs :
- Vous serez hors position pour tout le reste de la main
- Vous avez une main aléatoire contre une range d'open sélectionnée
Défendre K3o du big blind parce que "les cotes sont bonnes" vous met dans des spots impossibles postflop. Vous touchez un roi, vous ne savez pas où vous en êtes. Vous touchez un 3, c'est pire.
La Solution
Resserrez vos défenses de blindes, surtout contre les opens d'early position. Une règle simple :
- Contre UTG : Défendez seulement le top 15% de vos mains
- Contre le Bouton : Vous pouvez élargir à 35-40%
- Contre le Small Blind : Défendez wide (50%+), vous avez position postflop
Et surtout : préférez le 3-bet au call. Une main comme A9o hors position joue mieux en 3-bet ou fold qu'en call.
Erreur N°3 : Le C-Bet Automatique à 100%
Vous avez ouvert préflop, vous êtes l'agresseur, donc vous misez le flop. Toujours. Peu importe le board, peu importe votre main, peu importe l'adversaire.
C'est de l'argent jeté par la fenêtre.
Le Problème
Le c-bet automatique était une stratégie gagnante en 2010. Aujourd'hui, même les joueurs récréatifs savent float et check-raise. Quand vous c-bet 100% de votre range sur 7-7-2 rainbow, vous transformez des mains sans equity (comme AK sans amélioration) en bluffs purs contre des ranges qui ne foldent pas.
La Solution
Adaptez votre fréquence de c-bet à la texture :
Boards secs (K-7-2 rainbow) : C-bet fréquent (70-80%) avec un petit sizing
- Ces boards favorisent le préflop raiser
- Les adversaires ont peu touché
- Un petit bet suffit à générer des folds
Boards connectés (8-9-T deux couleurs) : C-bet sélectif (40-50%)
- Ces boards favorisent le caller
- Beaucoup de mains ont connecté
- Check-back vos air et construisez un range de check équilibré
Boards pairés (9-9-3) : C-bet polarisé
- Soit vous avez le 9, soit vous bluffez avec des blockers
- Vos paires moyennes peuvent check-back pour pot control
Erreur N°4 : L'Absence de Sizing Tells Awareness
Vous misez toujours la même taille. 66% du pot en c-bet. Pot sur le turn. 75% sur le river. Peu importe votre main.
Félicitations, vous êtes un livre ouvert.
Le Problème
Même si VOUS ne variez pas vos sizings en fonction de votre main, vos adversaires le font. Et si vous ne prêtez pas attention à leurs patterns, vous passez à côté d'informations gratuites.
Le récréatif qui mise 25% du pot sur le river a rarement un bluff. Celui qui overbet 150% du pot est soit un monstre, soit en full bluff. Apprendre à lire ces tells est crucial.
La Solution
Observez et notez les patterns :
- Minbet = souvent faiblesse ou "je veux voir cheap"
- Bet standard (50-75%) = range équilibré ou manque de réflexion
- Overbet = polarisé (nuts ou air)
Adaptez votre propre jeu :
- Utilisez des sizings différents avec un purpose
- Overbettez vos nuts ET certains bluffs
- Utilisez le petit sizing pour vos mains de protection
Erreur N°5 : Ignorer les Cotes Implicites (ou les Surestimer)

"J'ai une paire de 4, si je touche mon set je le stack."
Peut-être. Ou peut-être pas.
Le Problème
Les cotes implicites sont réelles, mais elles ne sont pas magiques. Pour qu'elles justifient un call préflop perdant, plusieurs conditions doivent être réunies :
- L'adversaire doit avoir un stack profond
- L'adversaire doit avoir une main qu'il paiera
- Le board doit permettre le paiement
Caller 44 contre un open de 3BB pour set-miner est rentable si les stacks sont de 100BB+. Mais si l'adversaire n'a que 40BB, vos cotes implicites s'effondrent.
La Solution
La règle du 15-20 : pour set-miner profitablement, vous devez pouvoir gagner 15 à 20 fois le montant du call.
- Call de 3BB → besoin de gagner 45-60BB quand vous touchez
- Call de 5BB → besoin de gagner 75-100BB quand vous touchez
Si les stacks effectifs ne permettent pas ça, fold.
Erreur N°6 : Le Check-Raise Bluff au Mauvais Moment
Vous avez vu les pros check-raise bluff sur Twitch. Ça a l'air tellement stylé. Alors vous essayez, contre le mauvais adversaire, sur le mauvais board, avec la mauvaise main.
Le Problème
Le check-raise bluff est une arme puissante, mais elle nécessite :
- Un adversaire capable de fold
- Un board qui crédibilise votre range
- Des outs de backdoor pour les spots où vous êtes call
Check-raise bluff le fish qui call avec n'importe quelle paire, c'est brûler de l'argent. Check-raise bluff sur A-K-Q rainbow avec 7-5 offsuit, c'est raconter une histoire que personne ne croira.
La Solution
Réservez vos check-raise bluffs pour :
- Les boards connectés où vous représentez crédiblement des draws et des mains faites
- Les adversaires qui peuvent fold (pas les calling stations)
- Les mains avec equity : gutshots, backdoor flush draws, overcards
Et surtout, assurez-vous d'avoir aussi des check-raise value dans votre range, sinon vous êtes exploitable.
Erreur N°7 : Le Slowplay Excessif
Vous avez les nuts. Évidemment, il faut slowplay pour piéger l'adversaire et maximiser la value. Évidemment.
Non. Pas évidemment.
Le Problème
Le slowplay est romantique mais souvent incorrect. Quand vous checkez vos nuts :
- Vous donnez des cartes gratuites qui peuvent vous battre
- Vous construisez un pot plus petit
- Vous rendez votre range de check trop fort (et donc exploitable)
Les boards dynamiques avec des draws ne doivent jamais être slowplayés. Le river nuts après avoir checké trois streets peut facilement devenir le second nuts quand la flush rentre.
La Solution
Fastplayez par défaut, slowplayez par exception.
Slowplay uniquement quand :
- Le board est très sec et statique (K-7-2 rainbow)
- Votre main bloque les calls (vous avez AK sur A-K-x)
- L'adversaire est un aggro-maniac qui va bluffer si vous checkez
Dans tous les autres cas, misez et construisez le pot. La value perdue en slowplayant dépasse presque toujours les gains occasionnels du "piège parfait".
Erreur N°8 : Le Manque d'Adaptation aux Adversaires
Vous avez une stratégie GTO. Vous l'appliquez contre tout le monde. Le reg serré, le fish loose, le maniac, le nit. Tous reçoivent le même traitement.
C'est de l'argent laissé sur la table.
Le Problème
La GTO est optimale contre des adversaires optimaux. Contre des adversaires qui font des erreurs massives, l'exploitation directe rapporte beaucoup plus.
Le fish qui call 100% des c-bets ne doit pas être bluffé. Le nit qui fold 80% au 3-bet doit être 3-bet sans relâche. Le maniac qui overbluff doit être call down light.
La Solution
Catégorisez vos adversaires dès les premières mains :
- Tight-passive (Nit) : 3-bet bluff mercilessly, ne payez jamais ses raises
- Loose-passive (Calling Station) : Value bet thin, jamais de bluff
- Tight-aggressive (Reg) : Jouez plus proche de la GTO
- Loose-aggressive (Maniac) : Élargissez vos calls, laissez-le bluffer
Prenez des notes : Chaque information est une arme pour plus tard.
Erreur N°9 : La Peur du All-In
Le pot fait 100BB. Vous avez top paire top kicker. L'adversaire pousse all-in pour 80BB de plus. Votre coeur s'accélère. Vous savez que vous devriez call. Mais cette petite voix dit "et s'il avait le set ?"
Vous foldez. Il montre un bluff. Vous ragez.
Le Problème
La peur du all-in est irrationnelle mais universelle. Les gros montants activent une réponse émotionnelle qui court-circuite la logique. Mais au poker, les jetons ne sont que des unités de mesure. Un call de 80BB incorrect n'est pas plus grave qu'un call de 8BB incorrect, proportionnellement.
La Solution
Raisonnez en pourcentages, pas en montants absolus.
Quand vous faites face à un all-in, demandez-vous :
- Quelle est ma cote ? (Combien dois-je call vs. la taille du pot)
- Quelle equity ai-je besoin pour être profitable ?
- Le range de l'adversaire me donne-t-il cette equity ?
Si les maths disent call, appelez. Les émotions ne font pas partie de l'équation.
Exercice : Rejouez mentalement vos gros pots perdus. Auriez-vous pris la même décision s'il s'agissait de 1/10ème des montants ? Si oui, la décision était bonne. Si non, vous avez un leak.
Erreur N°10 : Ne Pas Review Ses Sessions

Vous jouez 20 heures par semaine. Vous reviewez 0 heures par semaine. Vous vous demandez pourquoi vous stagnez.
Le Problème
Le poker est un jeu de décisions, et la plupart de vos décisions passent inaperçues dans le feu de l'action. Sans review, vous ne savez pas :
- Où vous perdez vraiment de l'argent
- Quels spots vous jouez mal systématiquement
- Comment vos adversaires vous exploitent
Jouer sans reviewer, c'est comme aller à la salle de sport sans suivre vos progrès. Vous transpirez beaucoup pour des résultats médiocres.
La Solution
La règle du 4:1 : Pour 4 heures de jeu, 1 heure de review.
Quoi reviewer ?
- Les pots perdus de plus de 30BB
- Les spots où vous avez hésité longtemps
- Les mains où vous avez eu un "mauvais feeling"
- Vos bluffs qui n'ont pas passé
Comment reviewer ?
- Utilisez un tracker (PokerTracker, Hold'em Manager)
- Analysez sans connaître le résultat (cachez les cartes adverses)
- Posez-vous la question : "Referais-je la même chose ?"
- Discutez les mains ambiguës avec d'autres joueurs
Conclusion : L'Humilité Comme Arme Secrète
Ces dix erreurs ne sont pas des signes de faiblesse. Elles sont des opportunités déguisées. Chaque leak identifié et corrigé est un boost direct de votre winrate.
Le vrai danger n'est pas de faire des erreurs. C'est de croire qu'on n'en fait plus.
Les meilleurs joueurs du monde continuent d'étudier, de remettre en question leurs certitudes, de chercher leurs propres leaks. Ils savent que le poker évolue et que la complaisance est l'ennemi.
Alors prenez cette liste, soyez honnête avec vous-même, et demandez-vous : laquelle de ces erreurs me coûte le plus cher ?
La réponse pourrait valoir des milliers d'euros.