Sandrine Phan, Rosalie Petit : Le Poker Féminin Français N'a Jamais Été Aussi Fort
En l'espace de 48 heures, deux Françaises viennent de marquer l'histoire du poker hexagonal. Sandrine Phan explose l'UDSO Paris 2025 face à 1040 joueurs, empochant 70 000 euros. Rosalie Petit domine le Women's Championship de l'APT à Taipei pour 24 360 dollars. Deux victoires, deux continents, un même constat : le poker féminin français n'a jamais été aussi performant.
Et pourtant, combien de fois a-t-on entendu que les femmes manquaient de place aux tables ? Combien de clichés sur le "poker, sport d'hommes" ? Ce week-end, Phan et Petit viennent de rappeler une vérité simple : le talent n'a pas de genre. Et quand le talent rencontre la préparation, ça donne des résultats qui claquent.
Décryptage d'un week-end historique pour le poker féminin français.
Sandrine Phan : De la Remontée Spectaculaire au Triomphe

Le dimanche 24 novembre 2025 restera gravé dans la mémoire de Sandrine Phan. Après plusieurs jours de battle acharnée au Club Circus de Paris, elle décroche la victoire la plus importante de sa carrière : le Main Event de l'UDSO Paris 2025.
Le chiffre fait tourner la tête : 1040 entrées. Pour un circuit régional français, c'est énorme. On parle d'un field qui rivalise avec certaines étapes EPT secondaires. Et au milieu de cette masse, une femme qui s'impose. Pas par chance. Par talent.
Une finale sous haute tension
Les comptes-rendus parlent d'une "remontée spectaculaire". Traduisez : Sandrine n'était pas favorite. Elle était même largement derrière à un moment donné. Mais elle a tenu. Elle a grindé. Elle a trouvé les bons spots. Et elle a fini par retourner la table finale.
C'est ça, le poker de haut niveau. Ce n'est pas toujours celui qui a les meilleures cartes qui gagne. C'est celui qui tient mentalement, qui reste lucide sous pression, qui sait attendre son moment. Phan a fait exactement ça.
Le gain de 70 000 euros est loin d'être anecdotique. Pour une joueuse du circuit français, c'est un boost de bankroll considérable. Mais surtout, c'est une validation. Battre 1040 joueurs (dont une large majorité d'hommes), ça envoie un message clair : je suis là, je ne fais pas de la figuration, et je gagne.
Un parcours qui inspire
Sandrine Phan n'est pas une inconnue du circuit français. Mais elle n'avait jamais décroché de victoire aussi prestigieuse. L'UDSO Paris, ce n'est pas un petit tournoi de cercle. C'est l'un des événements phares du poker live hexagonal, avec une structure solide, une organisation béton, et un field compétitif.
Sa victoire prouve une chose essentielle : les joueuses françaises peuvent rivaliser avec les meilleurs. Elles ne jouent pas dans une catégorie à part. Elles jouent contre tout le monde. Et elles gagnent.
Rosalie Petit : Le Doublé de Taipei

Si Sandrine Phan impressionne en France, Rosalie Petit confirme à l'international. Le 23 novembre, elle s'impose au Women's Championship de l'Asian Poker Tour à Taipei, dominant un field de 119 joueuses pour un gain de 24 360 dollars.
Ce n'est pas sa première victoire à Taipei. C'est son deuxième titre sur ce même circuit. D'où le surnom qui lui colle à la peau : "Power Girl". Et franchement, il est mérité.
Le circuit asiatique, nouveau terrain de jeu des Françaises
L'APT (Asian Poker Tour) est l'un des circuits majeurs de la région Asie-Pacifique. Moins médiatisé en Europe que l'EPT ou le WPT, il n'en reste pas moins un circuit solide avec des fields compétitifs et des structures de qualité.
Petit a compris quelque chose que beaucoup de joueurs français ignorent encore : il n'y a pas que Vegas ou Prague dans la vie. L'Asie offre des opportunités énormes pour les joueurs européens prêts à voyager. Moins de concurrence des "big names", des buy-ins raisonnables, et des garantis attractifs.
Et visiblement, Rosalie Petit y a trouvé son jardin. Deux victoires à Taipei, ce n'est pas de la chance. C'est de la régularité. De la maîtrise. De la domination, même.
Les tournois féminins : tremplin ou ghetto ?
Le Women's Championship de l'APT soulève une question épineuse : faut-il des tournois exclusivement féminins ?
Les pour :
- Encourager les femmes à franchir le cap et à jouer en tournoi
- Créer un environnement moins intimidant pour les débutantes
- Offrir une visibilité aux joueuses professionnelles
- Construire une communauté féminine solidaire
Les contre :
- Risque de ghettoïsation (les femmes dans "leur" catégorie, les hommes dans les "vrais" tournois)
- Prize pools généralement plus faibles
- Perception d'infériorité (comme si les femmes ne pouvaient pas rivaliser avec les hommes)
La réalité, c'est probablement un mix des deux. Rosalie Petit joue des tournois mixtes ET des tournois féminins. Sandrine Phan vient de battre 1040 joueurs (hommes compris) dans un tournoi 100% mixte. Elles prouvent qu'on peut faire les deux, et exceller partout.
Les tournois féminins ne sont pas un ghetto. Ce sont des opportunités supplémentaires. Et tant qu'il y a de l'argent à gagner et du prestige à aller chercher, pourquoi s'en priver ?
Le Poker Féminin Français : État des Lieux
Sortons des deux victoires du week-end pour prendre un peu de recul. Où en est vraiment le poker féminin en France en 2025 ?
Les chiffres qui parlent
Difficile d'avoir des statistiques précises (les opérateurs ne communiquent pas tout), mais quelques indicateurs donnent une idée :
- Winamax Poker Tour : environ 8-12% de joueuses dans les Main Events
- UDSO Paris 2025 : estimation de 80-100 femmes sur 1040 entrées (~8%)
- Circuits internationaux : entre 3% et 5% de joueuses en moyenne
C'est peu. Très peu. Mais c'est en croissance. Il y a 10 ans, on était plutôt à 2-3%. La progression est lente, mais elle est réelle.
Les obstacles spécifiques
Pourquoi si peu de femmes au poker ? Les raisons sont multiples et complexes :
1. L'image du poker
Longtemps associé aux saloons, aux arrière-salles enfumées, au Far West masculin. Le marketing poker a souvent misé sur des codes virils (agressivité, domination, bluff). Résultat : beaucoup de femmes ne se sentent pas concernées.
2. L'environnement des salles
Soyons honnêtes : certaines salles de poker live peuvent être... lourdes. Blagues douteuses, remarques déplacées, mansplaining à tout-va ("Laisse-moi t'expliquer comment jouer cette main, ma p'tite dame"). Toutes les joueuses ont des anecdotes du genre.
3. Le manque de modèles
Combien de joueuses françaises pro sont vraiment visibles médiatiquement ? Très peu. Les sponsors préfèrent les hommes (audience plus large, disent-ils). Les streams Twitch sont dominés par des streamers masculins. Les exemples féminins manquent.
4. Les préjugés tenaces
"Les femmes jouent trop tight." "Elles sont trop émotionnelles." "Elles ne bluffent jamais." Ces clichés ont la vie dure. Et même s'ils sont faux (la science a largement démontré qu'il n'y a aucune différence cognitive entre hommes et femmes au poker), ils persistent.
Les initiatives qui changent la donne
Heureusement, les choses bougent :
1. Les tournois féminins se multiplient
- APT Women's Championship
- Ladies Event aux WSOP
- Tournois dédiés sur Winamax et PokerStars
- Événements féminins dans les cercles parisiens
2. Les ambassadrices se font entendre
Des joueuses comme Gaëlle Baumann, Alexandra Botez (même si elle est davantage connue pour les échecs), ou les streamers poker féminines sur Twitch contribuent à changer l'image.
3. Les formations s'ouvrent
Les écoles de poker (Poker Académie, Team RTS, etc.) accueillent de plus en plus de femmes. La barrière psychologique s'effrite.
4. Les communautés en ligne se structurent
Groupes Facebook, Discord, forums... Les joueuses se regroupent, échangent des conseils, se soutiennent. L'isolement se brise.
Sandrine et Rosalie : Des Modèles pour la Nouvelle Génération
Ce que Phan et Petit accomplissent va bien au-delà de leurs gains personnels. Elles deviennent des références. Des preuves vivantes que c'est possible.
Quand une débutante hésite à s'inscrire à son premier tournoi live, elle peut désormais se dire : "Sandrine Phan a gagné l'UDSO Paris face à 1040 joueurs. Pourquoi pas moi ?"
Quand une joueuse française rêve de voyager en Asie pour grinder les circuits internationaux, elle a désormais un exemple concret : Rosalie Petit domine à Taipei. La route est tracée.
Le syndrome de l'imposteur
Beaucoup de joueuses souffrent du syndrome de l'imposteur. L'impression de ne pas être légitimes, de ne pas avoir leur place aux tables, d'être jugées différemment des hommes.
Les victoires comme celles de Phan et Petit sont des antidotes puissants. Elles disent : "Vous avez votre place. Vous pouvez gagner. Votre genre n'est pas un handicap."
C'est un message crucial. Parce que le poker, contrairement à beaucoup de sports, n'a aucune raison objective d'être genré. Il n'y a pas de force physique en jeu. Pas de testostérone qui dope les performances. Juste de la stratégie, des mathématiques, de la psychologie, et de la gestion émotionnelle.
En d'autres termes : le terrain de jeu est parfaitement égalitaire. Seules les barrières mentales et sociales créent des différences. Et ces barrières, Phan et Petit viennent de les exploser.
Et Maintenant ? Vers la Parité au Poker ?
Soyons réalistes : on n'atteindra pas la parité demain. Le poker féminin français progresse, mais il part de loin. Les obstacles sont nombreux, structurels, profondément ancrés.
Mais la dynamique est là. Chaque victoire compte. Chaque joueuse qui franchit le pas et s'inscrit à son premier tournoi fait avancer le curseur. Chaque streamer féminine qui atteint 1000 viewers prouve que l'audience existe.
Ce qu'il faut pour accélérer le mouvement :
1. Plus de visibilité pour les joueuses : Sponsors, médias, streams, contenus éditoriaux. Il faut raconter leurs histoires.
2. Des environnements plus accueillants : Les cercles et casinos doivent sanctionner les comportements déplacés. Zero tolérance.
3. Des incitations financières : Pourquoi pas des bonus d'entrée pour les joueuses dans certains tournois ? Des packages sponsorisés pour les circuits internationaux ?
4. Des rôles modèles accessibles : Plus de coachings par des joueuses, plus de contenus pédagogiques féminins, plus de communautés en ligne.
5. Arrêter de genrer le poker : Le poker n'est pas un "sport d'hommes". C'est un jeu de stratégie universel. Les mots comptent.
Conclusion : 48 Heures qui Changent la Donne
Sandrine Phan à Paris. Rosalie Petit à Taipei. Deux femmes, deux victoires, un même message : le poker féminin français est en train de monter en puissance.
Ce n'est pas un phénomène isolé. C'est une tendance de fond. Les joueuses françaises jouent mieux, gagnent plus, voyagent davantage, se professionnalisent.
Le chemin est encore long. Mais le mouvement est lancé. Et chaque victoire comme celles de ce week-end accélère la machine.
Alors oui, le poker reste très majoritairement masculin. Oui, les préjugés existent encore. Oui, l'environnement n'est pas toujours accueillant.
Mais.
Quand une femme s'assoit à une table de poker, elle a exactement les mêmes chances de gagner qu'un homme. Ni plus, ni moins. Les cartes ne font pas de différence. Les jetons non plus. Seul le talent compte.
Et ce week-end, le talent français avait deux prénoms féminins.
Bravo Sandrine. Bravo Rosalie. Vous venez de prouver ce que beaucoup savaient déjà : le poker n'a pas de genre. Juste des gagnants et des perdants.
Et vous deux, vous êtes clairement du bon côté de la barrière.